Dimanche 31 mai 2015
Pendant la soirée d’hier et la nuit nous avons parcouru les 278 km qui séparent Mandrogui de Kiji, en traversant le lac Onega du sud au nord.
Kiji (ou « Kizhi », selon la translittération officielle) est connue pour son musée qui rassemble des exemples de l’architecture typique de la Russie du Nord.
Les monuments que l’on peut admirer ont été collectés dans toute la région et sont dispersés sur la pointe est de l’île. La visite se transforme alors en une agréable balade sur des sentiers battus.
Cette réserve historique est un des premiers musées à ciel ouvert de Russie. Il est célèbre pour son ensemble architectural, fait des églises de la Transfiguration et de l’Intercession de la Vierge, dont les coupoles en sont les éléments les plus marquants. Mais le plus impressionnant reste leur construction : toute en bois, elles ne comportent ni clou, ni vis, tous les éléments sont imbriqués les uns dans les autres.
Ce qui nous frappe en arrivant, ce sont les bulbes des deux églises : la cathédrale de la Transfiguration avec ses 22 bulbes recouverts de tremble et, plus modeste l’église de l’Intercession-de-la-Vierge qui n’en compte que 9.
La légende attribue au charpentier Nestor la réalisation de ce que les Caréliens appellent la huitième merveille du monde. Après avoir fixé le dernier aisseau (bardeau) de tremble, en jetant sa hache dans le lac, il aurait proféré : « Il n’y en a jamais eu, il n’y en a pas et il n’y en aura plus de pareil »
Le premier bâtiment que nous visitons est une maison typique : l’isba d’un paysan riche, la plus grande du musée, ayant appartenu à Ochenev, et qui date de 1876. La particularité du musée est d’avoir reconstitué les intérieurs traditionnels, de sorte que le visiteur comprenne aisément le mode de vie, souvent modeste, des paysans russes jusqu’au 20e siècle.
Le poêle qui servait à la cuisine et réchauffautles pièces de la maison.
La vaisselle et le samovar qui permettait de garder le thé à bonne température. L’icône qui protégeait la maison, la broderie
Un peu à l’écart de l’isba, un charpentier nous fait la démonstration de la confection d’un de ces aisseaux de tremble dont il aura fallu en fabriquer 32 000 pour recouvrir les bulbes de la cathédrale de la Transfiguration.
Près de la maison, une petite cabane au bord du lac : le sauna qui permettait aux gens de se laver et de se purifier.
Un peu plus loin, la chapelle de l’Archange-Saint-Michel. Elle vient d’un village voisin et date de la fin du XVIIIe siècle. Elle est constituée de trois parties. Elle a un joli bulbe recouvert d’aisseaux. Dans son petit clocher belvédère octogonal, un carillonneur nous interprète un air russe que nous écoutons avec attention.
A deux pas de là, la petite chapelle de la Résurrection de Lazare qui est le plus vieux lieu de culte que l’on puise voir à Kiji. Elle était à l’origine dans la région de Moscou où elle avait été construite en 1391.
Tout près un moulin à vent qui a la particularité d’avoir 8 ailes … !
Revenons à l’enclos des deux églises principales et du clocher. L’église de l’intercession, avec ses neuf bulbes est la plus petite des deux. Elle date de 1764 et elle est ouverte à la visite
Sa galerie d’entrée mène au chœur où nous découvrons des icônes peintes sur bois, très colorées. Trois popes nous interprètent un chant religieux russe de leur répertoire
Deuxième bâtiment de l’enclos, un clocher dans lequel sont exposées quelques cloches et au pied, un petit cimetière avec la croix orthodoxe
Le joyau de l’enclos, la cathédrale de la Transfiguration n’est pas ouverte au public parce qu’elle est en travaux. Elle a été édifiée en 1714, en remplacement d’une église précédente ravagée par la foudre.
Après cette incursion dans la partie la plus septentrionale de notre voyage, nous regagnons Le Leonid Krasin pour poursuivre notre croisière.
Cette région de forêts et de lacs est peuplée depuis l’Antiquité. Aujourd’hui, à Kiji, ils sont une cinquantaine, essentiellement occupés à sauvegarder l’ensemble architectural que nous venons de découvrir. Ces habitants restent coupés du monde pendant les sept mois d’hiver, ravitaillés par motoneige, vivant de la culture de leurs quelques arpents de terre pendant l’été.
Après cette visite à pied du musée de l’architecture en bois, retour au bateau et appareillage pour Goritsy. Nous y arriverons demain à 13h.
Pour occuper notre temps sur le bateau, Elisabeth, notre représentante du groupe Salaun à bord du Léonid Krasin nous propose une conférence sur l’histoire de la Russie.
Pour introduire son exposé, elle nous explique que si les russes ont une certaine facilité à apprendre les langues étrangères, cela est dû à leur histoire. Le pays s’est peuplé autrefois de tribus qui se sont installées, venant de tous les coins du continent. Les plus importantes se sont installées à Kiev, berceau de l’ancienne Russie en l’an 800.
En 957 la princesse Olga de Kiev accompagne un groupe de marchands jusqu’à Constantinople, capitale chrétienne de l’Orient. Elle est tellement impressionnée par la ville et le mode de vie des gens, qu’elle décide d’embrasser la foi chrétienne. En 988, son successeur, le prince de Kiev, Vladimir le Grand se pose à son tour la question de la foi, mais plusieurs choix s’offrent à lui et il ne se précipite pas pour prendre sa décision. Non seulement il veut connaitre l’Eglise de Constantinople et celle de Rome, mais en plus il souhaite étudier l’islam et le judaïsme. Il convoque à la Cour les représentants de ces quatre religions. Chacun est invité à exposer ses arguments. Le défilé commence par les juifs. Mais ceux-ci, comme les musulmans qui leur succèdent, ne font pas une bonne impression, quand ils évoquent devant leurs auditeurs la circoncision et l’interdiction de consommer de l’alcool et du porc. Quand vient leur tour, les émissaires de Rome se font fort de rassurer Vladimir en lui certifiant que la circoncision est inconnue dans l’Eglise chrétienne et que celle-ci n’interdit ni le porc ni l’alcool. Mais quand ils abordent le jeûne obligatoire, Vladimir leur ordonne de quitter les lieux sur le champ.
Egalement consultés, les Grecs de Constantinople se gardent bien d’évoquer de quelconques interdits et l’engagement de Vladimir aux côtés de Byzance est formalisé par son baptême en 990.
Ce choix aura une influence considérable sur la suite de l’histoire du peuple russe.
Sous Iaroslav le Sage, fils de Vladimir qui règne de 1019 à 1054, la Russie devient un grand état proche de ceux de l’Europe Occidentale. Mais des incursions mongoles viennent détruire cette belle organisation et la Russie passe sous le joug tatare jusqu’à la fin du XVe siècle.
Alexandre Nevski reconnait la suprématie militaire des Tatars et se soumet à eux. Une fois établie, la domination tatare se traduit principalement par la collecte des taxes. Les occupants ne cherchent pas à imposer leur culture et les habitants de Moscou comprennent qu’ils sont à même de conserver un véritable pouvoir à condition de verser régulièrement leur tribut à la Horde d’or.
Petit à petit Moscou prend de l’importance et se libère de la domination tatare. Sous le règne d’Ivan III, la Russie est réunifiée en un grand état. Il adopte comme emblème l’aigle bicéphale de Byzance qu’il ajoute à Saint Georges, emblème de Moscou. Il proclame sa volonté de faire de sa capitale « la troisième Rome ».
En 1613, Mikhaïl Fiodorovitch est déclaré premier tsar de la dynastie des Romanov qui ne prend fin qu’en 1917. Son petit-fils Pierre 1er prend les rênes du pays en 1682. Grand par la taille : 2m 03, il le fut aussi par le rôle qu’il joua, favorisant l’évolution du pays, l’ouvrant vers l’occident. Dans son adolescence il a été marqué par le meurtre de son oncle et de sa tante. Il s’est marié une première fois à Eudoxie Lopoukhine dont il aura trois enfants. Puis après avoir « cloîtré » cette première femme dans le couvent Novodievitchi à Moscou, il se marie avec celle qui deviendra Catherine 1re et qui lui succèdera à sa mort en 1725.
Pierre le Grand a beaucoup voyagé pour prendre des idées dans les autres pays. Comme nous l’avons déjà vu il a fondé Saint-Pétersbourg pour avoir une ouverture vers la mer et l’occident. Il a rencontré Louis XIV et a voulu marier sa fille Elisabeth avec lui.
Lui-même s’est remarié avec une allemande, Augusta, qui se convertit et pris le nom de Catherine. Elle lui succéda en 1725 à son décès. Viendront ensuite Pierre II son petit-fils (1727-1730) puis Anne sa nièce (1730-1740), puis sa fille Elisabeth (1741-1762). Enfin Catherine II, dite la Grande, épouse allemande de son petit-fils Pierre III, que sans doute elle fit tuer pour monter plus vite sur le trône. Elle s’efforce de donner une image d’une impératrice éclairée : amie des encyclopédistes français, elle correspond avec Voltaire et invite Diderot en Russie.
Sous son règne, le servage est établi en Russie. Elle a donné des terres à des vassaux et elle a signé une loi empêchant le déménagement : les serfs appartiennent aux vassaux. A l’époque le vassal décidait pour tous. Cela a donné aux russes une habitude de passivité.
Avec la Grande Catherine se termine notre conférence pour aujourd’hui.
Après le déjeuner nous sommes invités à visiter la passerelle du bateau. Nous sommes au milieu du lac Onega et le capitaine a mis le pilote automatique.
Michel et Inna préparent la visite
C’est avec beaucoup d’attention que nous écoutons le commandant bateau nous expliquer le rôle des différents instruments de la passerelle.
Il nous explique aussi dans le détail le fonctionnement des écluses.
A suivre un cours de langue russe et découverte des rudiments de l’alphabet … ! Ce n’est pas encore demain que nous lirons la Pravda dans le texte … !
Après le diner, un concert de musique instrumentale.